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SAWTCHE

 03/12/2010

SAARTJIE BAARTMAN - LA VENUS HOTTENTOTE

Dans l'histoire de l'Occident , le phénomène de zoos humains débute bien avant la colonisation.  Les premières exhibitions d'êtres humains où l'homme est déshumanisé au rang d'objet vivant commence dès l'antiquité, en revanche les formes d'exhibitions varient à travers le temps. Au début du XIX ème siècle, les peuples non européens sont exhibés comme des spécimens à observer.

La «Venus Hottentote» connue sous le nom de Saartjie ou Sarah Baartman se nomme en vérité Sawtche. Née en 1789, c'est une femme Khoisan qui est asservie par un fermier boer. Au cours du XVII ème et XVIII ème, le peuple de Saartjie a été massacré par les colons néerlandais, les survivants de ce génocide ont été réduit en esclavage par les Boers.

En 1807, Sawtche est vendue au frère de son maître Hendrick Caezar dans une autre ferme près du Cap. En 1810 William Dunlop,médecin anglais de marine, conseille au fermier boer de l'exhiber dans toute l'Europe et lui prédit un grand succès. À son arrivée en Europe, elle est renommée «Saartjie Baartman». Elle est amenée à Londres pour être exhibée entre 1810 et 1814 comme un animal dans toute l’Angleterre et la Hollande dans les foires, musées, salons privés: « Elle fut montrée comme une bête sauvage, on lui donna l’ordre d’avancer, de rentrer et de sortir de sa cage, comme un ours au bout de sa chaîne et non pas comme un être humain ». Présentée comme un spécimen exotique, elle est déshumanisée. Exhibée au fond d'une cage, elle est humiliée sous le regard, les quolibets et le toucher des spectateurs. Elle est baptisée en 1811 à Manchester avec l’autorisation spéciale de l’évêque de Chester. Ensuite elle arrive à Paris en septembre 1814 où elle est exhibée au public par un dénommé Réaux qui exhibe traditionnellement des animaux (ours, singes) dans le quartier du Palais-Royal. Puis elle est examinée, mesurée et palpée par les savants. Etienne Geoffroy Saint Hilaire, professeur au Muséum national d’histoire naturelle souhaite « profiter de la circonstance offerte par la présence à Paris d’une femme bochimane pour donner avec le plus de précision qu’on ne l’a fait jusqu’à ce jour les caractères distinctifs de cette race curieuse ». Observée par les scientifiques, elle est exhibée au Jardin des Plantes. À sa mort, Geoffroy Saint Hilaire réclame son corps pour qu'il soit porté aux laboratoires d’anatomie du Muséum d’histoire naturelle et qu'il « puisse devenir asile aux progrès des connaissances humaines ».  Pour le professeur, il s’agit d’une opportunité « d’acquérir de nouveaux renseignements sur cette race singulière de l’espèce humaine». Elle décède dans la nuit du 29 septembre 1815 par une fièvre éruptive aggravée par l'alcool. Durant son calvaire en Occident, ses "impresarios" n'hésitent pas à droguer Sawtche afin de mieux abuser d'elle dans les salons privés où elle est violée.

Après avoir exécuté un moulage de la dépouille mortelle, son corps est disséqué illégalement en public dans le laboratoire d’anatomie du Muséum par Georges Cuvier, zoologiste et chirurgien de Napoléon Bonaparte, qui prélève son squelette, son cerveau et tous les organes génitaux qu’il conserve dans des bocaux de formol. Cuvier recherche « un sexe de crapaux » dans les organes génitaux de la femme sud–africaine c'est-à-dire un sexe rembourré. Après la dissection de son corps, Cuvier et Saint Hilaire publient à l’Académie de Médecine en 1817 une communication dans laquelle ils concluent sur la base de leurs observations une réelle proximité entre Sawtche et le singe. Les propos de Cuvier à son égard sont très éloquents : « Ses mouvements avaient quelque chose de brusque et de capricieux qui rappelait ceux du singe. Elle avait surtout une manière de faire saillir ses lèvres tout à fait pareille à ce que nous avons observé dans l’orang-outang. »; « Le nègre, comme on le sait, a le museau saillant, et la face et le crâne comprimé par les côtés ; le Calmouque a le museau plat et la face élargie ; dans l’un et l’autre les os du nez sont plus petits et plus plats que dans l’Européen. Notre Boschimane a le museau plus saillant encore que le nègre, la face plus élargie que le calmouque, et les os du nez plus plats que l’un et l’autre. A ce dernier égard, surtout, je n’ai jamais vu de tête humaine plus semblable aux singes que la sienne » . Pour Saint Hilaire, il souligne les caractères anatomiques qu’il rapproche de ceux du singe comme par exemple sa tête qui selon lui comporte « un commencement de museau encore plus considérable que celui de l’orang-outang rouge qui habite les plus grandes îles de l’océan indien» «La prodigieuse taille de ses fesses » lui inspire une comparaison avec les femelles mandrill.

Le corps de Sawtche (son squelette et ses organes) ainsi que le moulage de sa dépouille mortelle sont conservés au Muséum national d’histoire naturelle et présentés au public au Musée de l’Homme en 1937 lors de la fondation du Musée. Elle est exposée au public jusqu’en 1974. Puis le moulage est exposé pendant deux ans dans la salle de préhistoire ensuite elle est entreposée dans les réserves du Musée d’où elle est sortie en 1994 à l’occasion de la présentation d’une exposition sur la sculpture ethnographique au XIX ème siècle d’abord au Musée d’Orsay puis en Arles. Les organes de Sawtche ont été déclarés disparus du Musée de l’Homme au cours des années 1980, ils sont cependant présents dans l’inventaire officiel du musée. Depuis 1994, l’accès aux organes de Sawtche est limité aux personnes autorisées par le directeur général sur recommandation de l’ambassade d’Afrique du Sud.

En 1994 à la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, les Khoisans demande la restitution du corps de Sawtche, ils n’ont jamais oublié leur sœur emmenée de force en Occident, ils souhaitent lui offrir une sépulture et lui rendre enfin sa dignité. La demande de restitution des Khoisans émane de l’organisation représentant les descendants Khoisans. En 1999, lors d’un congrès d’archéologie au Cap, le président déclare à l’intention de la France: « l’exhibition de son postérieur et de ses organes génitaux pour amuser les foules de gens sans coeur viole la dignité de mon peuple ». Au départ la demande est rejetée, elle rencontre une opposition de la communauté scientifique française qui ose prétendre que le corps leur appartient au nom du patrimoine inaliénable du muséum et de la science. On reconnaît bien là les habitudes occidentales qui prônent le traditionnel prétexte de la science et la raison pour affirmer que tout lui appartient (domination), même le corps mort des non-européens. Après le vote d‘une loi française en 2002, la France restitue le corps à l’Afrique du Sud où on lui consacra des funérailles selon les coutumes de son peuple. En revanche le moulage de Sawtche est toujours présent au musée de l’Homme, il est entreposé dans une caisse recouverte d’un grillage.




 

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